C’est un hasard…ou pas : cette note est publiée juste après l’annonce d’Yvon Chouinard, fondateur de Patagonia, et sa famille – dont le panache et l’ambition forcent l’admiration et consacrent un modèle hyper-cohérent de leadership philanthropique (l’entreprise a notamment initié dès 1985 le 1% for the Planet® dont elle a depuis fait un mouvement planétaire, entraînant dans son sillage près de 5 000 entreprises partout dans le monde – voir page 15). Chouinard a donc choisi de transmettre de manière irrévocable 100% des actions de l’entreprise à une fondation actionnaire créée pour l’occasion, dont le but est de combattre la crise environnementale. Au passage, il ouvre une voie vers la transformation en profondeur du capitalisme : d’abord il garantit à Patagonia un actionnariat stable et de long terme, protecteur des valeurs et de la mission (non sans expliquer précisément pourquoi les autres options possibles, la vente de l’entreprise d’une part et l’entrée en bourse de l’autre, auraient été délétères pour ses valeurs) mais surtout, il démontre qu’on peut transformer le capitalisme, en changeant la gouvernance de Patagonia, tout en réglant élégamment la question de la transmission et de sa succession.
Pourtant, selon André Comte-Sponville, le capitalisme ne serait ni moral ni immoral, mais amoral. Pourquoi? Parce qu’il ne fonctionne pas à la vertu, à la générosité ou au désintéressement ! Pour le philosophe, c’est même tout l’inverse : il fonctionne à l’intérêt, personnel ou familial. « Le capitalisme fonctionne à l’égoïsme, c’est même pourquoi il fonctionne si fort », affirme carrément Comte-Sponville.
Pour lui, l’égoïsme est économiquement la principale force motrice des humains : « quand vous allez faire vos courses, vous choisissez le poissonnier le plus pauvre, celui qui a le plus besoin de vos achats (mais il a très peu de clients, donc très peu de poissons, qui sont donc très chers et pas très frais…), ou bien celui qui présente le meilleur rapport qualité prix? ». CQFD. Mais c’est aussi parce que le capitalisme fonctionne à l’égoïsme qu’il ne suffit pas à faire une société qui soit humainement acceptable. Et c’est pour cela, rappelle le philosophe des grandes vertus, qu’il faut donc autre chose – de la morale pour les individus, du droit et de la politique pour les peuples. Pour autant, la moralisation du capitalisme, conclut-il, ne peut espérer faire en sorte qu’il ne fonctionne plus à l’égoïsme mais à la générosité ou au désintéressement : « c’est un vœu pieux, qui nous vouerait, si on le prenait au sérieux, à l’impuissance ».
Yvon Chouinard, avec Patagonia, et de plus en plus de marques, à l’origine de mouvements puissants, mettent au défi cette idée que leur moteur serait l’égoïsme. Et par chance, le caractère inspirant et parfois le succès de leur démarche de philanthropie auraient presque de quoi entraîner dans leur sillage les plus égoïstes des dirigeants.
Plus pragmatiquement, force est de constater que la philanthropie, qui fut l’une des premières manifestations de la « citoyenneté » et de la responsabilité sociétale des entreprises dans les années 80-902, en amont d’un mouvement d’intégration plus profond des engagements au cœur du business, revient en force. Loin de l’approche historique d’une philanthropie menée en marge des activités lucratives qui ne manquait pas de susciter des soupçons de « good-washing », elle est désormais plus stratégique, alignée avec la mission et les engagements RSE, ambitieuse sur les montants donnés, inscrite dans le positionnement de la marque. En outre, elle prend des formes innovantes et s’offre le luxe de flirter tout à la fois avec la gouvernance (via les fondations actionnaires justement) et avec le modèle économique de l’entreprise (via le modèle « one-for-one » popularisé par TOMS par exemple), tout en s’affirmant résolument comme un terrain non concurrentiel via des initiatives collectives de grande ampleur.
C’est ce regain de la philanthropie comme l’un des leviers-clefs par lesquels les entreprises travaillent à accroître leur impact positif sur la société qu’explore la présente note.
C’est un hasard…ou pas : cette note est publiée juste après l’annonce d’Yvon Chouinard, fondateur de Patagonia, et sa famille – dont le panache et l’ambition forcent l’admiration et consacrent un modèle hyper-cohérent de leadership philanthropique (l’entreprise a notamment initié dès 1985 le 1% for the Planet® dont elle a depuis fait un mouvement planétaire, entraînant dans son sillage près de 5 000 entreprises partout dans le monde – voir page 15). Chouinard a donc choisi de transmettre de manière irrévocable 100% des actions de l’entreprise à une fondation actionnaire créée pour l’occasion, dont le but est de combattre la crise environnementale. Au passage, il ouvre une voie vers la transformation en profondeur du capitalisme : d’abord il garantit à Patagonia un actionnariat stable et de long terme, protecteur des valeurs et de la mission (non sans expliquer précisément pourquoi les autres options possibles, la vente de l’entreprise d’une part et l’entrée en bourse de l’autre, auraient été délétères pour ses valeurs) mais surtout, il démontre qu’on peut transformer le capitalisme, en changeant la gouvernance de Patagonia, tout en réglant élégamment la question de la transmission et de sa succession.
Pourtant, selon André Comte-Sponville, le capitalisme ne serait ni moral ni immoral, mais amoral. Pourquoi? Parce qu’il ne fonctionne pas à la vertu, à la générosité ou au désintéressement ! Pour le philosophe, c’est même tout l’inverse : il fonctionne à l’intérêt, personnel ou familial. « Le capitalisme fonctionne à l’égoïsme, c’est même pourquoi il fonctionne si fort », affirme carrément Comte-Sponville.
Pour lui, l’égoïsme est économiquement la principale force motrice des humains : « quand vous allez faire vos courses, vous choisissez le poissonnier le plus pauvre, celui qui a le plus besoin de vos achats (mais il a très peu de clients, donc très peu de poissons, qui sont donc très chers et pas très frais…), ou bien celui qui présente le meilleur rapport qualité prix? ». CQFD. Mais c’est aussi parce que le capitalisme fonctionne à l’égoïsme qu’il ne suffit pas à faire une société qui soit humainement acceptable. Et c’est pour cela, rappelle le philosophe des grandes vertus, qu’il faut donc autre chose – de la morale pour les individus, du droit et de la politique pour les peuples. Pour autant, la moralisation du capitalisme, conclut-il, ne peut espérer faire en sorte qu’il ne fonctionne plus à l’égoïsme mais à la générosité ou au désintéressement : « c’est un vœu pieux, qui nous vouerait, si on le prenait au sérieux, à l’impuissance ».
Yvon Chouinard, avec Patagonia, et de plus en plus de marques, à l’origine de mouvements puissants, mettent au défi cette idée que leur moteur serait l’égoïsme. Et par chance, le caractère inspirant et parfois le succès de leur démarche de philanthropie auraient presque de quoi entraîner dans leur sillage les plus égoïstes des dirigeants.
Plus pragmatiquement, force est de constater que la philanthropie, qui fut l’une des premières manifestations de la « citoyenneté » et de la responsabilité sociétale des entreprises dans les années 80-902, en amont d’un mouvement d’intégration plus profond des engagements au cœur du business, revient en force. Loin de l’approche historique d’une philanthropie menée en marge des activités lucratives qui ne manquait pas de susciter des soupçons de « good-washing », elle est désormais plus stratégique, alignée avec la mission et les engagements RSE, ambitieuse sur les montants donnés, inscrite dans le positionnement de la marque. En outre, elle prend des formes innovantes et s’offre le luxe de flirter tout à la fois avec la gouvernance (via les fondations actionnaires justement) et avec le modèle économique de l’entreprise (via le modèle « one-for-one » popularisé par TOMS par exemple), tout en s’affirmant résolument comme un terrain non concurrentiel via des initiatives collectives de grande ampleur.
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